La Grande Chartreuse par un chartreux

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La Grande Chartreuse par un chartreux

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Cela décevra peut-être les amateurs de l’extraordinaire et stimulant élixir végétal bien connu portant ce nom mais ils ne trouveront dans ce beau livre que bien peu de choses sur cette liqueur qui est certes toujours la propriété des moines de l’Ordre cartusien. Sur ce point, ils apprendront simplement que dans la nuit du 14 au 15 novembre 1935, après un important glissement de terrain qui l’emporta, la fabrique de la liqueur fut alors transportée à Voiron.

Plus étonnamment, peut-être, on lira que « pendant des siècles, les chartreux comptèrent parmi les principaux métallurgistes de l’Europe et que la qualité des fers cartusiens avec leur marque crucigère était très recherchée ». Mais là, bien sûr, n’est pas l’essentiel.

Aujourd’hui, comme il y aura bientôt mille ans, la vocation des moines et moniales de l’Ordre cartusien, selon les enseignements de saint Bruno, leur père fondateur, est la prière, la prière dans la solitude loin des bruits et des soucis du monde. Avec l’originalité, peut-on lire, « d’une existence qui fusionne harmonieusement la vie érémitique et la vie cénobitique » (c’est-à-dire une vie d’ermite et une vie en communauté). « La Grande Chartreuse comme tout monastère cartusien, comporte deux centres : le grand cloître entouré de cellules et l’église conventuelle. Signe que les chartreux, au cœur même de leur solitude, sont rassemblés dans une communauté ; plus encore, ils forment une vraie communion de solitaires ».

On peut lire dans le texte de présentation de l’ouvrage que c’est en 1881 que parut sa première édition. Celle-ci, la dix-neuvième, a été réalisée par nos chers moines bénédictins de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux. Avec d’abord ce que nécessitent d’ajout les cent trente-neuf années écoulées depuis 1881.

Ce beau travail offre donc deux aspects :

– la description de ce qu’est la Grande Chartreuse aujourd’hui,

– ensuite l’évocation de ce qui a marqué son histoire depuis la fondation par saint Bruno, en 1084, des premiers ermitages dans le vallon non loin du site où a été plus tard bâti l’ensemble conventuel toujours actuel.

Au long des siècles, la vie de ces moines épris de prière et de paix, dans une solitude en quelque sorte partagée, n’a pas été exempte des drames dus aux accidents de la nature, mais surtout encore moins des tragédies de l’histoire.

Pour ce qui est des premiers :

– catastrophe de la grande avalanche du 30 janvier 1132,

– huit dévastations par le feu au long des siècles (les bâtiments furent longtemps en bois).

Pour ce qui est des secondes, bien pires, le texte évoque successivement :

– Les « guerres de religion » au cours desquelles plus de cinquante chartreux versèrent leur sang pour leur foi. Dévastation et incendie de la Grande Chartreuse en 1562 par les Huguenots du féroce baron des Adrets,

– La période révolutionnaire avec son lot de persécutions, d’arrestations, de déportations dans les cachots de Bordeaux, de Saintes et de Rochefort et là, le pire pour plusieurs, l’agonie dans l’enfer des pontons : l’enchainement, l’impossibilité de se tenir debout, dans l’obscurité, la promiscuité, les déjections, la puanteur… Ce ne sera hélas pas la dernière persécution anticatholique perpétrée par des régimes républicains.

– Avec la Troisième République, celle d’Émile Combes, des radicaux férocement anticatholiques, du Grand Orient, le temps, à nouveau, de l’interdiction des congrégations, de l’enfoncement des portes des églises, des expulsions, de l’exil. Le texte, très sobrement, évoque les mesures de force contre les religieux et les catholiques les soutenant en grand nombre : l’utilisation de la gendarmerie et de l’armée pour briser les foules de manifestants.

– Enfin, la tragédie immense de la Première Guerre mondiale où des chartreux de différents couvents seront mobilisés pour servir de part et d’autre, leurs pays respectifs.

Après la guerre, les chartreux ne sont toujours pas autorisés à retrouver leurs monastères. Le 29 mai 1927, la Ligue dauphinoise d’action catholique, soutenue par l’évêque de Grenoble, rassemble à Voiron cinquante mille manifestants pour réclamer que soit rendue « la Chartreuse aux chartreux ». Ce qui ne sera légalement accepté qu’en février 1941, après que, tout de même, dès la fin mai 1940, le ministre de l’Intérieur, Georges Mandel, eut donné l’ordre verbal au préfet de l’Isère de faciliter aux chartreux le retour dans leur monastère. Après trente-sept années, nous dit le livre, « le désert reprenait vie ».

On va ensuite découvrir au fil des pages le panorama de ce qu’est la Grande Chartreuse de nos jours, monastère toujours majeur de l’Ordre cartusien qui compte encore ses quinze autres monastères de moines et ses cinq de moniales. Bien moins, certes, que jadis dans les siècles de plus grand épanouissement catholique. Mais dans la réalité d’une fidélité ininterrompue à l’œuvre de saint Bruno.

L’Ordre est dirigé aujourd’hui, depuis 2014, par Dom Dysmas de Lassus, son soixante-quatorzième Ministre général. Jour et nuit se perpétue la vie de prière des chartreux de la Grande Chartreuse et des vingt autres chartreuses de par le monde. Oasis de silence fécond parmi tant d’autres œuvres de la paix monastique à l’écart des agitations, des bruits, et des fureurs d’un monde éprouvé par les barbaries sans cesse renouvelées de la haine de Dieu et des hommes.

Bernard Antony

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