C’est bien sûr avec un grand intérêt que nous suivons les développements des violentes réactions islamistes suscitées par l’ouvrage de l’excellente anthropologue Florence Bergeaud-Blackler : « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête ».
Rappelons que l’université de la Sorbonne vient de « reporter » une conférence que cette dernière devait prononcer dans ses murs. Madame Bergeaud-Blackler étant menacée de mort après la parution de ce livre, la décision sorbonnarde ne nous surprend pas. Il faudra très certainement que d’importantes mesures de sécurité soient prises ce 2 juin…
Cela dit, nous avons lu avec attention les entretiens donnés par madame Bergeaud-Blackler à la revue amie : « la Nef » et ce jour, 17 mai, sur une pleine page 4 de « L’événement » dans le Figaro.
Dans les deux entretiens, l’auteur développe notamment que « les Frères musulmans veulent rendre nos sociétés « charia-compatibles ». Et les résultats des élections de dimanche dernier en Turquie, qui vont permettre au 2° tour au Raïs Erdogan, frère musulman s’il en est, de renforcer encore sa domination, ne vont pas aller à l’encontre de cette « charia-compatibilité ».
Les lecteurs de nos ouvrages (« L’islam sans complaisance », « Dieu et les hommes dans le Coran », « L’islam ou la soumission au prophète ») ne verront pas de contradictions entre ce que révèle Florence Bergeaud-Blackleret nos exposés et analyses de l’idéologie islamique.
En revanche, une fois encore, nous ne pouvons que dénoncer l’emploi récurrent, dans les titres du Figaro et autres médias, de l’expression « islam politique » pour désigner le fondamentalisme islamique. Comme si de ses origines médinoises à nos jours il avait en effet existé un islam autre que politique !
Comme si Mahomet, fondateur de l’islam à Médine au VI° siècle n’avait pas été simultanément un chef politique, un codificateur juridique, un chef de guerre et un chef religieux, créateur, avec sa charia, du parachèvement totalitaire que constitue le modèle islamique.
Dans lesquels des 57 pays adhérents de l’OCI (organisation de la coopération islamique) l’islam n’est-il pas d’abord politique ?
– En Arabie saoudite ? En Iran ? Au Qatar ? Dans les Émirats? Au Maroc ? En Turquie ? Au Pakistan ? En Afghanistan ?
– Et même en Tchétchénie, État membre de la fédération de Russie dirigé par le si poutinolâtre Ramzam Khadirov, dont la charia constitue expressément la loi et le droit.
– Il n’y a guère que « l’exception libanaise », hélas si mal en point aujourd’hui, dont l’État, étant multiconfessionnel dans sa structure, n’a dans l’OCI qu’un statut d’observateur…
Mais allez donc voir si, dans les régions du Liban sous le contrôle du Hezbollah chiite et sous direction iranienne, l’islam n’est pas politique ?
L’utilisation de l’appellation « islam politique » vise à faire croire qu’il existerait un islam non politique, simplement une « religion musulmane » sans aucune dimension politique. Croire cela, c’est tout simplement faire un déni de réalité.
Bernard ANTONY