Témoignage du fondateur de Notre Dame de Kabylie

Qu’est ce que vous a apporté le christianisme ?

La question, plus complète, est suivie de cette seconde partie : vous qui venez de l’islam ?

À cause du « vous », certains auront reconnu que cela vient d’un chrétien français.

J’ai eu une double réaction quasi-immédiate : stupéfaction puis, dans un second temps, la tristesse que l’on puisse mettre sur un pied d’égalité Jésus-Christ et Mahomet, comme font beaucoup de chrétiens nés en Europe.

À tous il est bon de rappeler que, s’il y a tant de musulmans qui ne cherchent pas à quitter l’islam c’est que, soit ils n’ont pas le choix, soit ils en sont empêchés par la loi sur l’apostasie qui les condamne à une mort certaine en cas d’abjuration.

Ce chrétien de souche, sachant cela ou n’y accordant pas de crédit, me fait sa demande en n’ignorant pas que cela fera 45 ans que j’ai quitté l’islam.

Mais justement il m’a fallu passer par cette étape indispensable du choix à opérer. Comment d’ailleurs l’islam si je n’avais pas pu comparer ?

Comparer l’islam au christianisme reviendrait, d’après la question, à les jauger d’abord sur le plan humain, c’est-à-dire sur ce qui est visible du bonheur qu’ils peuvent apporter à l’homme ou, tout au moins, sur leurs propositions pour échapper au malheur. Le plus grand malheur de l’homme étant la mort.

La mort résume toutes les autres calamités, qui mettent un terme à la vie, ce bien si précieux : maladies, infirmités, guerres, violences diverses, faim, soif, injustice, etc.

Par ailleurs, dans ce questionnement, il n’est pas possible d’ignorer le lieu où il va naître, car il y a plusieurs manières d’être musulman ; je le constate dans le parcours des convertis. Un Algérien n’est pas musulman comme un Malien, un Nigérian, un Pakistanais ou un Saoudien. S’il n’y a qu’un seul islam, il y a une grande variété de musulmans, voire de pratiques islamiques, telles celles des chiites et des sunnites, des soufis et des derviches tourneurs.

Il se trouve que l’islam de Kabylie, au nord de l’Algérie, se caractérise par des influences soufies d’une part et d’anciennes traditions, sinon chrétiennes, du moins non-musulmanes. Ce qui explique pourquoi les « marabouts » ne donnent pas leurs filles en mariage aux hommes kabyles, tandis qu’ils prennent pour épouses les filles de ces derniers, appliquant en cela la recommandation coranique de réserver les musulmanes aux seuls musulmans, tout en rendant licites les chrétiennes et les juives aux mâles de l’islam.

De sorte que les premiers habitants de la Kabylie n’étaient pas considérés comme de vrais musulmans, selon cette pratique musulmane…

Dans ce contexte de l’islam kabyle la question de la mort n’a pas été réglée par l’espérance islamique. Il est bien question d’une résurrection des morts et d’un jugement dernier, du « jardin » d’Eden, revisité par le Coran en un vaste lieu de jouissances charnelles où se pressent, vers les croyants qui y sont admis, les belles houris promises par Allah dans le Coran ; mais j’ai rarement entendu les musulmans que je connais s’en réjouir, tant l’admission en ce lieu paradisiaque est incertaine…voire par incrédulité. Allah, de manière arbitraire, y guide ou en exclut qui il veut. Lequel Allah ne promet pas de Le connaître et de Le rencontre dans sa demeure éternelle. Jamais je n’ai entendu dire d’Allah qu’il habitera avec les hommes au Paradis :

Dieu habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Apo. 21,3

Et déjà, en ce monde, nous avons la promesse que Dieu, si nous le voulons, demeurera avec nous.

Quelle promesse inouïe ! Que Dieu seul peut faire :

Et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai, et je me ferai connaître à lui.

[…] nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. (14, 21-23 st Jean)

Or c’est la quête de l’homme dés le commencement, qu’exprime Moïse à notre place, après que, au buisson ardent, il se soit caché le visage, craignant de regarder Dieu :

Moïse dit : Fais-moi voir ta gloire ! Ex. 33,18

L’Éternel dit : Tu ne pourras pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre.

Cette quête de Dieu est née de l’éloignement, causé par le péché :

Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu… Gen.3,8

Voir Dieu et mourir ? Non pas, mais mourir, sûr de voir Dieu.

Voilà une espérance qui fait vivre et que l’islam n’a pas, frère chrétien de souche !

Moh-Christophe Bilek

(Paru dans Reconquête)

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