Visite de Bernard Antony au Liban

De notre correspondante à Beyrouth, Sophie Akl-Chedid .

En visite à Beyrouth du 25 avril au 3 mai, Bernard Antony a mis à profit sa présence pour rencontrer la présidente d’honneur de Chrétienté-Solidarité,madame Solange Gemayel, ainsi que le député Nadim Gemayel, rencontres suivies le lendemain par une réunion des plus cordiales au siège du parti Kataeb avec son président Samy Gemayel, en présence du docteur Fouad Abou Nader, conseiller politique et ex chef des Forces Libanaises, et de Marwan Abdallah, responsable des relations internationales au sein du parti.

La crainte de voir un raffermissement de la mainmise du Hezbollah sur le Liban au lendemain des élections législatives et les proportions catastrophiques de la crise des réfugiés syriens ont été évoqués ainsi que le rôle ambigu de la communauté internationale qui multiplie les pressions sur le Liban afin de pousser ce dernier à implanter de façon permanente les réfugiés syriens en leur accordant des permis de résidence et à terme, l’espoir d’une naturalisation comme en témoigne la déclaration finale de la Conférence Bruxelles II du 25 avril dernier.

Ces pressions sont d’autant plus inquiétantes si l’on observe que le gouvernement syrien a établi ces dernières semaines, dans l’indifférence totale des medias occidentaux, une société foncière nationale qui exproprie sans vergogne les habitants absents en s’appuyant sur une loi scélérate adoptée à Damas le 1er avril dernier. Cette loi met en demeure les syriens de produire leurs titres de propriétés auprès des autorités dans un délai de 45 jours au plus tard à compter du 1er avril afin de faire valoir leurs droits, sachant d’une part que la Syrie compte aujourd’hui 15 millions de déplacés dont au moins 5 millions se trouvent en Turquie, en Jordanie et au Liban, et d’autre part que ces réfugiés sont pour la plupart des opposants et qu’ils ne pourront ni n’oseront jamais venir réclamer leurs biens auprès des autorités quand bien même ils le souhaiteraient.

Ces expropriations massives ne sont pas sans rappeler la réforme agraire et les nationalisations en Égypte et en Syrie sous l’influence de l’URSS dans les années 50 et 60. La réforme agraire devenait déjà le moyen pour les régimes baasistes successifs de se constituer une nouvelle assise politique en favorisant les membres du parti issus des classes moyennes aux dépends de la grande bourgeoisie sunnite. Aujourd’hui, ce sont des chiites venus en grand nombre avec les milices étrangères ‘proches du régime’ qui sont installés avec familles, armes et bagages dans les régions ‘libérées’ par le gouvernement.

Entrevue avec Bernard Antony, ex député européen, président de Chrétienté Solidarité, de l’AGRIF et un des fondateurs de Présent:

  • – SAC : Bernard Antony, quel est le but de votre venue au Liban ?
  • – B.A :Mes motivations sont à la fois personnelles et militantes : tout d’abord je suis ici avec mon épouse pour rendre visite à notre filleule Mona, aujourd’hui mère de famille chrétienne engagée et docteur en nanotechnologies, et ensuite afin de renouveler les aides que nous apportons avec Chrétienté-Solidarité à près de 300 enfants sinistrés ou orphelins en Irak, au Liban, en Egypte et en Jordanie, suite aux agressions subies par les populations chrétiennes de ces régions en particulier depuis l’émergence du groupe Etat Islamique.
  • – SAC : Vous avez rencontré aujourd’hui Charles de Meyer et le responsable de la mission SOS Chrétiens d’Orient Liban, que pensez-vous du travail effectué par cette association ?
  • – B.A : je ne peux que saluer les valeurs, l’engagement et l’efficacité de nos amis de SOS Chrétiens d’Orient qui effectuent un formidable travail de proximité partout où ils interviennent, même si à titre personnelmes convictions etengagements passés et présents m’interdisent toute forme de collaboration avec le régime baasiste.
  • – SAC : Votre regard sur le Liban a-t-il changé depuis votre première visite en 1986 ?
  • – B.A : Non bien au contraire. En dépit des vicissitudes que le Liban subit depuis tant d’années, il demeure le seul pays du Moyen Orient où les chrétiens refusent de se soumettre à une quelconque forme de dhimmitude, d’où le soutien sans réserve que nous apportons aux partis de la résistance chrétienne et libanaise. Le fait de venir régulièrement témoigner sur place de ce soutien me permet non seulement de constater cet esprit de résistance mais aussi de le « sentir » et de m’en imprégner. Dans ce cadre et au regard de mon expérience, je ne peux que souligner le danger que représentent le Hezbollah et l’influence iranienne sur les institutions libanaises.
  • – SAC : Ces derniers temps, on entend de nombreuses voix exprimer leur crainte de voir disparaitre à terme la présence chrétienne au proche orient, quelle est votre opinion ?
  • – B.A : Je vomis cette complaisance catastrophiste. Tant qu’il y aura des chrétiens au Liban tels que je n’ai cessé d’en rencontrer depuis 22 ans, je parie au contraire sur la pérennité de la présence chrétienne dans la liberté, l’esprit de résistance et la dignité. Demain, dans la vallée sainte de la Qadisha, au pied du monastère Saint Antoine, je vais méditer sur la Crosse sertie d’ivoire offerte en son temps par Saint Louis au père abbé et sur le magnifique casse-tête dont son successeur avait usé quelques siècles plus tard pour briser le crâne d’un trop arrogant gouverneur ottoman !

Propos recueillis par Sophie Akl-Chedid 

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