Ce petit livre d’une centaine de pages mérite très exactement d’être dégusté.

Xavier Martin est sans nul doute aujourd’hui le plus subtil analyste des cheminements idéologiques de la Révolution française vers la perfection du modèle totalitaire moderne.

Lourde d’abominations sanguinaires et d’inventivité génocidaire, la Révolution, démarrant très vite dans les carnages de la Bastille, de Versailles et des Tuileries, n’en a pas moins été d’abord, surtout, dans ses assemblées, sublimement grotesque dans l’expression d’un véritable génie de la grandiloquence, de l’emphase, d’une fascinante capacité collective à perdre tout sens du ridicule.

Xavier Martin, analyste méthodique des faits, des idées et des élucubrations, se délecte manifestement en nous servant dans ses livres, comme sur des plats de belle argenterie, quelques-uns des meilleurs morceaux du grotesque de la constante incantation vertueuse républicaine dans sa visée de « s’approprier l’homme » ; ce qui est en effet la condition même de toute entreprise totalitaire pour installer son utopie.

La Révolution se voulait fille de la raison et de la vertu, d’ailleurs prête à un constant service de gestation pour autrui qui engendrera les monstres totalitaires Jeunes-Turcs, communistes, nazis et aujourd’hui LGBT.

En fait de raison, elle déifia celle-ci dans les délires d’une idolâtrie qui appelait à ne pas lésiner sur les sacrifices humains. Très réellement cannibale dans ses atroces moments de furie populacière, elle fut très exactement aussi anthropophage.

Le méphistophélique Trotski exprima d’ailleurs cela dans sa célèbre expression : « La Révolution est une grand dévoreuse d’hommes ». Il le vérifierait lui-même expérimentalement, ce que l’on ne saurait vraiment déplorer.

La déesse raison de 1790 fusionnée avec l’idole Révolution fut certes de même nature, mais plus perfectionnée que ces Baal-Moloch phéniciens de Tyr ou de Carthage auxquels il fallait servir leurs lots de petits enfants.

La Révolution, elle, entend s’approprier l’homme tout entier pour le dévorer à tout âge selon les besoins de l’État.

Pour ce qui est de la vertu, elle entend bien soumettre tous les hommes à son pouvoir pour les obliger à être libres et les ramener à leur bonté de nature.

Au départ, elle avait besoin de cette élite de « citoyens vertueux et désintéressés » pour exprimer la volonté générale. C’est l’idéal jacobin avec un peu de passagère nécessité guillotineuse… Ensuite, les « pédagomanes » comme les appelle Martin, feraient le travail d’éducation pour que le monde atteigne les plus hauts degrés de la vertu civique.

Autre grand historien du XVIIIe siècle, Jean de Viguerie a pour sa part excellemment scruté la pénétration progressive de l’utopie révolutionnaire dans l’idéal pédagogique du dernier demi-siècle de l’Ancien Régime.

Xavier Martin nous décrit les effets du pouvoir des pédagomanes dans leur visée de « régénération » du peuple.

Il cite les propos perspicaces de Mirabeau-Tonneau considérant que « les prétendus patriotes », faisant grand état de la conquête de la Bastille, pourtant « facile », pourraient bien « se vanter aussi d’avoir fait de la France entière une immense Bastille, truffée d’espions et de geôliers ».

Sachons gré à notre historien de s’exprimer juste avec ce qu’il faut de pointe malicieuse de préciosité avec la dague d’un humour joliment ciselé pour un heureux travail de dissection de la lourde et criminelle sottise de l’idéologie révolutionnaire hélas toujours dominante.

Avec son gros mammouth dévastateur de la culture et de la liberté que cornaque en parfait continuateur de la police pédagomane l’inquiétant jacobin Vincent Peillon.

Bernard Antony