Les lignes qui suivent ne constituent pas une recension définitive. Elle viendra plus tard. Mais je tenais sans plus attendre, après des heures de lecture mais pressé par le temps pour le « bouclage » de cette revue, attirer l’attention des lecteurs du Centre Henri et André Charlier.
Car ce livre est un grand, long et beau travail. Un travail de bénédictin, en effet !
Dom Henri, petit-fils d’André Charlier, probablement après des années de labeur, a livré là un livre qui ne ressort pas seulement du genre de la biographie, fût-elle inspirée par une belle piété filiale.
Certes la haute figure d’André Charlier y est-elle minutieusement dépeinte dans tous les aspects de sa vie et de ses dons, mais Dom Henri nous fait aussi, par-delà, pénétrer profondément dans maints aspects de la réalité de la France et de ses tragédies, et de sa société depuis l’avant-guerre de 1914 jusqu’à la deuxième moitié du siècle dernier.
Dom Henri s’y révèle non seulement biographe mais aussi plus largement un homme de réflexion historique et politique, notamment sur l’immense défaite de 1940 et la situation qui s’ensuivra, marquée pour les patriotes les plus aimants par l’angoissante question des choix d’engagement. Car, comme le répétait souvent notre cher Jean-Baptiste Biaggi qui fut un grand héros de la guerre et de la résistance, défendant ses amis qui avaient servi la France derrière le Maréchal : « Il y a des moments de l’histoire où le problème n’est pas tant de faire son devoir mais de savoir où est son devoir ».
Ce livre est bien sûr d’abord l’histoire d’un homme, dont les moments les plus décisifs de la vie seront ceux de la conversion et du baptême, au sortir de l’adolescence, en rupture avec son milieu familial franc-maçon et athée, et dans la voie déjà tracée par son frère aîné Henri Charlier.
Comme ce dernier, dont l’œuvre principale mais non exclusive réside dans la réanimation par ses œuvres d’un grand art chrétien, André Charlier épanouissait dans son intense foi catholique son tempérament d’artiste et sa vocation d’éducateur au prix de bien des renoncements. « Le prix d’une œuvre » évoque en effet le sacrifice consenti par lui-même et ses enfants pour faire vivre l’école des Roches, d’abord à Verneuil, puis pendant la guerre à Maslacq, à Clères enfin.
Ce livre du père Henri évoque non seulement la famille Charlier, mais son extension par toutes les amitiés créées par l’école et autour de l’école.
Citons au moins ici quelques-uns des plus grands noms des amis d’André Charlier : Paul Claudel, Jacques Maritain, Ramuz, Jacques Copeau, Henri Ghéon, Henri Pourrat, Henri Massis, le musicien André Lévy, Marcel de Corte et bien sûr Gustave Thibon.
Et encore d’éminents prêtres et religieux. Citons aussi quelques-uns des anciens élèves : le prince Philippe Bao Long, fils de l’empereur Bao Daï, le prince laotien Souvanna-Thouma, le peintre Bernard Bouts, et la haute figure du protestantisme de Mazamet, Antoine Guiraud.
Et enfin, au cœur de la famille spirituelle du rayonnement Charlier, notamment les familles Storez et Calvet, avec les trois frères, Jean, Hubert et Gérard. Ce dernier, le futur Dom Gérard, fondateur du monastère du Barroux, notre ami, notre père, un des trois parrains du « Centre Charlier » ainsi baptisé sous son influence, les deux autres étant l’ancien élève Albert Gérard, l’artiste, et l’autre qui fut professeur à Maslacq, Jean Arfel, plus connu sous le nom de Jean Madiran.
Mais bien sûr l’ouvrage de Dom Henri, ce n’est pas seulement l’évocation d’une floraison d’intelligence et de foi, autour d’André Charlier. C’est aussi grâce à la publication d’un grand nombre de ses lettres et écrits, dont certains inédits, une belle source de réflexions. Il complète donc utilement les Lettres aux capitaines et autres textes fondamentaux d’André Charlier, ce « témoin des choses qui demeurent ».
Bernard Antony
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