Après L’Amérique que j’aime et L’Amérique au cœur, ce troisième et dernier volume d’un travail qu’on pourrait inscrire dans la joie de l’amour selon Alain Sanders, est aussi bienvenu que les deux premiers. Il leur ajoute quelques 150 articles, ce qui fait de cette trilogie une véritable encyclopédie très utile et souvent passionnante pour qui entend bien ne pas considérer d’une manière aussi primaire et affligeante que le font des ignorants que l’histoire moderne et contemporaine de l’Amérique du Nord se ramènerait à une extermination de bons Indiens par de méchants cow-boys et chemises bleues et à une guerre civile qui aurait opposé de généreux idéalistes nordistes à tout un peuple d’abominables esclavagistes.
Ces vues réductrices coïncident aussi il est vrai avec les opinions positives trop souvent sommaires sur les politiques du gouvernement des États-Unis.
En vérité, les jugements à l’emporte-pièce, diamétralement opposés d’ailleurs, sur la réalité américaine que l’on peut entendre notamment dans la mouvance de la droite française sont aussi pauvres que ce que la plupart des médias rapportent chez nous de la manière dont « l’Américain moyen » perçoit l’Europe.
Ce dernier ne ferait généralement pas la différence entre la France et Paris et ne saurait pas bien si Madrid et Berlin sont des villes ou des pays. Mais allez donc demander au « Français moyen » quelle est la capitale fédérale des États-Unis et si le Grand Canyon du Colorado est au Mexique ou au Canada ?
À « droite », c’est-à-dire dans la partie de l’opinion qui ne se veut pas de gauche, il y a ceux qui admirent plutôt inconditionnellement « l’Amérique » non seulement parce que c’est le pays des Américains qui ont débarqué deux fois pour nous libérer et parce que c’est le pays du progrès, d’IBM, de Microsoft et de Google. Et il y a ceux pour qui les Américains nous ont poignardé dans le dos en Indochine et en Algérie, et pour qui les « USA » se confondent avec « l’ultra-libéralisme mondialiste ».
Il y a bien sûr du vrai et du faux à l’origine de ces clichés. Mais il y a aussi ceux, comme les lecteurs de Reconquête qui savent qu’on ne peut pas plus résumer l’histoire de l’Amérique du Nord depuis Christophe Colomb que celle de la Russie depuis Ivan le Terrible, en quelques jugements simplistes. Il y a donc ceux qui peuvent à la fois, comme nous, ne pas oublier, pour nous en tenir là, combien la politique américaine vis-à-vis du Shah d’Iran, puis par rapport à l’Irak a été catastrophique et à bien des égards criminelle, mais considérer aussi que dans les États-Unis fleurissent encore des libertés et une culture étouffée chez nous.
Il ne faut donc pas croire qu’Alain Sanders, dans ses 1 500 pages en trois volumes, s’avérerait un défenseur univoque de la « civilisation » yankee « hamburger – coca-cola » (même s’il aime ça), de l’impérialisme « United-Fruits et Monsanto – OGM ».
Son travail est d’abord peut-être pour nous Français un beau travail d’évocation de ce qui demeure de vivante mémoire française en maints endroits de l’Amérique, du Canada à la Louisiane, en passant par l’Acadie avec des dizaines de villes et villages portant des noms de nos villes françaises mais aussi de la vieille Europe.
Je me souviens en l’an 2010 de la désormais traditionnelle très grande « Marche pour la vie » à Washington avec ses deux ou trois cent mille participants (principalement catholiques mais aussi des évangéliques en grand nombre et également beaucoup de juifs fidèles au Décalogue dont un rabbin, superbe orateur, faisait huer… Simone Veil).
Il y avait là, venu d’un collège de Saint-Louis (en Louisiane) un prêtre catholique noir avec une cinquantaine d’élèves, noires également, en uniformes impeccables (jupe bleue et chemisier blanc) et arborant des insignes fleurdelysées. Je ne sais comment il avait repéré que j’étais français et, dans un bon français, il m’aborda, m’adjurant de dire quelques mots du grand roi saint Louis à ces petites. Il traduisait mes paroles excellemment, elles écoutaient attentivement. Il voulut m’arracher la promesse de venir les voir un jour leur parler plus longtemps de saint Louis et Jeanne d’Arc. Je répondis que je ne pouvais promettre cela mais que si je retournais aux États-Unis, j’irai les voir avec un immense plaisir.
Et pourquoi pas, avec Alain Sanders, qui est un merveilleux conteur, en anglais comme en français. Et qu’à nous, il sait raconter entre autres, l’épopée des marquis Armand Tuffin de la Rouërie, héros de la guerre d’indépendance américaine (il a sa statue là-bas, à Baltimore) puis, plus tard, fondateur de « l’Association bretonne » qui sera le grand vivier de recrutement des chefs de l’héroïque chouannerie.
Bernard Antony
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