J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et de plaisir ce petit livre à la fois agréable et profond sur la vie d’Anthelme de Chignin, ce moine chartreux devenu évêque de Belley, au cœur des convulsions de la Chrétienté au XIIe siècle.

En ce siècle qui fut pourtant notamment celui de l’immense saint Bernard tout ne marchait pas non plus très bien dans l’Église avec les rivalités du Sacerdoce et de l’Empire, avec les appétits de contrôle du trône de Pierre d’un Frédéric de Hohenstaufen (« Barberous­se ») entraînant le surgissement de l’antipape, l’évêque Octavien prenant le nom de Victor III.

Mais en plein dans cette lecture passionnante, voilà que selon une déplorable tendance à l’évasion vagabonde, mon esprit a été un moment transporté dans une cocasse réflexion d’analogie avec le mode de raisonnement de Miss Marple.

Miss Marple est cette délicieuse vieille dame qui, dans bien des romans d’Agatha Christie, résout les énigmes criminelles en se référant à des faits semblables et comportements humains qu’elle a connus dans son village. Le village de Miss Marple est comme un microcosme où elle a tout appris de la nature humaine qui ne change pas fondamentalement.

Eh bien, en lisant le beau travail de Guillaume d’Alançon, on peut vérifier cela et de même les constantes de la vie de l’Église. Car, par-delà les époques d’ascension ou de déclin, demeurent les réalités de la nature humaine, les antagonismes du péché et de la grâce. L’auteur nous offre au passage, avec délicatesse, quelques belles réflexions et peut-être un peu de confidence sur « la quête de Dieu par le silence et la solitude qui est l’épicentre de la vocation du chartreux ».

Il y évoque combien « dans tous les états de vie, consacrée ou conjugale, il est des heures où se manifeste la nostalgie d’une perfection humaine dans un ailleurs idéalisé ». À cela, même le chartreux dans son silence et sa solitude doit résister. Car il y a des bruits de l’âme plus perturbateurs que des coups de tonnerre. Pour y faire face, Guillaume d’Alançon nous fait méditer de belles pages sur le modèle de saint Anthelme.

En ces très belles lignes extraites de la préface de Monseigneur Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, dont Guillaume d’Alançon est un collaborateur laïc, on trouve les mots essentiels de l’appel vers ce modèle :

« J’ai la conviction profonde qu’en ce début du troisième millénaire le Seigneur appelle de nombreux jeunes à Le suivre en Chartreuse, à l’image de saint Anthelme, pour annoncer dans le silence de la brise légère qu’il vaut la peine de tout quitter pour suivre l’unique nécessaire ».

Car nous avons besoin, la France et le monde ont besoin de la prière des chartreux.

Bernard Antony