Préface de Jeanne Smits
C’est une excellente idée qu’a eue l’éditeur Benoît Mancheron (Via Romana) de publier en deux volumes les chroniques de Jean Madiran axées sur la vie de l’Église Catholique sous le pontificat hélas écourté de Benoît XVI.
Les ayant lues régulièrement au fil de ces années encore proches et pensant conserver un souvenir encore frais des thèmes traités, je n’avais pas jugé nécessaire de les reparcourir, omettant d’en demander une recension dans notre revue.
Or, une recherche de précision sur une campagne de la fielleuse publication Golias-Hebdo en vue de la destitution de Benoît XVI m’a amené à relire nombre de ces textes. Ils présentent bien sûr, c’est la loi de l’écrit quotidien, un intérêt inégal, et c’est pourquoi je conseille d’ordinaire de découvrir d’abord un écrivain dans ses livres essentiels plutôt que dans des commentaires circonstanciels difficiles à saisir par de jeunes lecteurs peu au fait des contextes. Mais, je modifie ma position, tant on peut faire dans les textes au jour le jour de Madiran une ample moisson de pertinentes et même superbes réflexions de portée plus générale.
C’est ce que dans sa préface du Tome II Jeanne Smits qui, durant toutes les années Benoît XVI était la très avisée directrice de Présent, a su admirablement faire valoir. Elle n’a aucunement dévalué sa piété filiale et son admiration par une inconditionnalité déformatrice de la réalité de Jean Madiran qui par delà la profondeur de sa foi et de ses réflexions fut aussi un ardent polémiste dont inéluctablement quelques flèches pouvaient être injustement tirées.
C’est avec les dernières lignes de son beau texte que je conclus cet appel à la lecture des chroniques de Madiran sous Benoît XVI :
« Jean Madiran pensait, craignait, savait que la contestation de cette “culture de mort” mènerait – et mènera en effet – à une nouvelle persécution, “sans guillotine” peut-être, mais de plus en plus visible, de plus en plus implacable.
Et c’est aussi pour cela qu’il avait mal à l’Église, qu’il avait mal à la France, à cause de leurs défaillances.
Il avait ces dernières années un peu moins mal à l’Église, relevant avec bonheur telle déclaration pontificale, telle encyclique, telle dénonciation de la laïcité antireligieuse montrant qu’elle sait encore, qu’elle sait toujours. Le Motu Proprio du 7 juillet 2007 rétablissant l’entier droit de cité de la messe traditionnelle est venu à la fois comme une consolation et une justification : justification de quarante ans de combat – à Itinéraires, à Présent et dans une œuvre qui n’a pas fini de porter ses fruits – alors que ces combats avaient été et continuent souvent d’être injustement relégués au rang de l’“intégrisme”. Le principe du droit de cité est acquis, mais non la chose – loin s’en faut. Mais Madiran ne nous a pas quittés sans avoir perçu que l’Église, par la voix d’un pape, lui avait donné raison de s’être battu.
Jean Madiran n’est plus. L’absence – et aussi les heureuses retrouvailles que permet ce recueil, et la mémoire de tant d’écrits – font mesurer le privilège qui a été le nôtre, qui a été le mien, de le côtoyer, de l’entendre si souvent, de partager son aventure. Non que nous ayons été systématiquement d’accord : quelques-unes de ces chroniques évoquent même des différences et des différends ; qui se sont résolus cependant dans l’amitié française et les convictions profondément partagées.
Aujourd’hui prédomine, avec la gratitude filiale, l’admiration de cette immense intelligence, adoucie par l’espièglerie et l’amour de la vie. Jean Madiran savait comme nul autre débusquer les faiblesses et les incohérences de la pensée, jusqu’au bout il aura été l’homme du mot juste recherché avec une précision d’orfèvre, à telle enseigne que ses adversaires refusèrent tôt de mener avec lui tout “débat public”. Mais l’intelligence, en lui, n’éclipsait pas le cœur, ni les chansons, ni la poésie, ni l’amour. »
Bernard Antony
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.