Claude Duboscq et Henri Charlier

Auteur : Gilles Duboscq

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Claude Duboscq et Henri Charlier

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En 1922 Claude Duboscq rencontre, chez son oncle René, Henri Charlier, qui est dans les Landes pour réaliser des monuments aux morts. Le musicien a 23 ans, le sculpteur 37. C’est le début d’une profonde amitié.

Les deux hommes sont très différents. Le jeune Duboscq vit dans le cocon familial de la grande bourgeoisie bordelaise, et même si son père s’est installé à Onesse au milieu des Landes (dont il possède des milliers d’hectares), on ne se mélange pas avec les prolétaires. Henri Charlier quant à lui travaille de ses mains, comme les paysans au milieu desquels il vit au Mesnil-Saint-Loup en Bourgogne. Mais ils vont immédiatement sympathiser parce qu’ils ont des conceptions artistiques communes et les mêmes aspirations spirituelles. Henri Charlier est oblat bénédictin, dès 1923 Claude Duboscq se fait oblat bénédictin. En un temps où la République a supprimé les monastères… Il est reçu par un moine de l’abbaye de Belloc qui est resté semi-clandestinement en France.

Peu après, les monastères, qui avaient été fermés en 1903, vont se reconstituer. Notamment celui du Mesnil-Saint-Loup, avec dom Maréchaux, et celui de Belloc. Et celui de Solesmes, où Claude Duboscq séjournera plusieurs fois, rencontrant dom Mocquereau. C’est à partir du plain chant, mais aussi de Debussy et de Satie, que Duboscq élabore son « rythme libre ».

Montparnasse et le Mesnil-Saint-Loup

Dans ces années-là Duboscq va également côtoyer Henri Charlier à Paris, à Montparnasse où une faune d’artistes en tout genre et de toute provenance s’agite en une multitude de groupements aussi divers que pittoresques. Ils vont faire partie de l’atelier d’art religieux « La Spirale », avant que Charlier se brouille avec un artiste ukrainien qui suivait la mode du cubisme, et se brouille aussi avec Duboscq qui est fasciné par le personnage. Mais la brouille ne sera pas longue, car les deux « frères », qui ne s’écrivent que sous leurs noms d’oblats, sont spirituellement trop proches pour rester séparés.

Parfois Claude Duboscq envisage de s’installer au Mesnil-Saint-Loup avec sa femme et ses enfants. Mais la vie dans ce village toujours sous l’influence du Père Emmanuel (mort en 1903) est quasi monastique, trop ascétique et rigoriste pour les Duboscq. C’est là toutefois que le rejeton de la bourgeoisie bordelaise découvre le peuple. Des gens simples qui peuvent chanter et faire de la musique. Or Duboscq veut créer une musique simple…

Colombe la Petite

Henri Charlier, qui a illustré des éditions des poèmes et des partitions de Duboscq, va suivre de près et soutenir ses efforts dans ses projets d’un théâtre musical utilisant tous les arts, d’abord sous la tente, puis dans le théâtre que lui a construit son père à Onesse. Le grand aboutissement sera Colombe la Petite, mettant en scène et en musique la vie de la petite martyre de Sens (non loin du Mesnil-Saint-Loup…) et dont une grande partie des interprètes sont des gens du petit peuple landais.

Mais les relations de Claude Duboscq avec sa famille vont se dégrader après la mort de son père. Il est mis sous tutelle, ce qui le fait sombrer dans une profonde dépression qui va se transformer en folie. En 1935 il se réfugie au Mesnil-Saint-Loup. Charlier fait organiser une tournée de concerts, en Belgique, de la mezzo-soprano Jane Bathory et du compositeur au piano. La tournée se déroule avec succès, mais la santé mentale de Claude Duboscq se détériore. Au carême 1938, il est de nouveau au Mesnil-Saint-Loup. Charlier lui demande de composer un chant pour l’église. Il s’attelle à un Miserere, mais n’en mettra que quelques versets en musique. À Pâques il retourne à Paris. Le 2 mai, alors que les médecins ont exigé que la porte de sa chambre soit fermée la nuit, il saute par la fenêtre des toilettes. Henri Charlier le fait enterrer au Mesnil-Saint-Loup.

Une fin tragique

Malgré le soutien d’Henri Charlier, mais aussi de Francis Jammes, du père bénédictin Michel Caillava, d’Henri Ghéon, de divers musiciens et artistes (dont Marie Vassiliev), et d’abord de sa femme qui partageait ses projets et contribua à leur réalisation, Claude Duboscq, mort à 40 ans après plusieurs années chaotiques, n’a pas pu donner toute la mesure de son talent.

Et il est, on peut le dire, complètement oublié, même si de temps à autre un concert confidentiel ou un enregistrement furtif font résonner quelques fragments de ses œuvres.

C’est pourquoi on ne peut que saluer son fils, notre ami l’abbé Gilles Duboscq, qui se bat depuis toujours pour faire connaître son père, d’avoir écrit et publié ce qui est désormais la biographie de référence de Claude Duboscq. Les lignes qui précèdent sont un résumé de ce que l’abbé Duboscq expose de l’amitié de son père avec Henri Charlier. Mais bien entendu il y a tout le reste, et la vie de Claude Duboscq mérite d’être connue. D’autant que l’auteur fait vivre avec talent des scènes pittoresques de l’entre-deux guerres et nous fait croiser des personnages inattendus.

Yves Daoudal

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