À la question qui fait le titre de cet ouvrage, les amis politiques et religieux de l’ancien ministre du Général de Gaulle, Edmond Michelet, et les membres de sa famille répondent affirmativement et s’emploient à réclamer sa béatification en invoquant son comportement admirable à Dachau.
Mais pour qu’il en soit ainsi, il faudrait effacer de sa biographie des éléments beaucoup moins sanctifiants, car Bernard Zeller, polytechnicien, ingénieur en chef de l’Armement, se souvient, lui, de l’énergie mise en œuvre par Michelet pour obtenir la condamnation à mort de son père le Général Zeller, et du Général Challe qui, avec les généraux Jouhaud et Salan, jugés ultérieurement, avaient tenté en avril 1961, par fidélité à la parole donnée, de renverser l’entreprise d’abandon de l’Algérie par le Général De Gaulle en violation cynique de ses serments et dans le plus total mépris du sort de nos compatriotes d’Algérie, pieds-noirs et français musulmans.
Il se souvient de l’incroyable pression exercée sur le procureur général Besson pour qu’il applique la peine de mort en matière politique abolie pour ce motif depuis 1848 et que Michelet avait rétablie en tant que Garde des Sceaux par l’ordonnance 60-529 du 4 juin 1960.
Le Procureur général résista très courageusement comme on peut le lire.
Ce livre constitue selon son sous-titre une « biographie interrogatoire ».
Ce qui nous a frappé, c’est qu’il est en effet une biographie sans haine, sans ressentiment, sans la moindre trace de polémique, sans aucune invective.
Bernard Zeller retrace la vie de Michelet très positivement jusqu’au retour au pouvoir en 1958 de de Gaulle. On y chercherait en vain quelque animosité. Et pour cause, rien ne séparait sur l’essentiel ce Michelet patriote, catholique, résistant, du Général Zeller, héroïque combattant des deux grandes guerres.
Mais comment Michelet, lui, a-t-il pu tenir aussi longtemps un double langage sur l’avenir de l’Algérie ?
Comment lui qui s’était autant employé, au nom de son humanité, à épargner la peine de mort aux terroristes du FLN, put-il la rétablir en matière politique pour l’appliquer aux officiers de l’honneur français ?
Bernard Zeller pose encore bien d’autres interrogations. Et la plus poignante : comment Michelet, qui forcément savait les épouvantables, les indicibles horreurs du génocide des harkis et des massacres et enlèvements de nos compatriotes, a-t-il pu se taire et ne rien faire ?
Pour le moins, on peut s’interroger sur une sainteté qui dans l’ordre de la politique se concilierait avec la duplicité, l’acharnement pour imposer à un tribunal de prononcer la peine de mort, et enfin l’indifférence totale à des crimes contre l’humanité dont on a connaissance.
Au total, un livre très utile sur le plan historique mais aussi sur le plan religieux et même psychologique.
Michelet : un saint ?
Sûrement pas ! Plutôt le mystère de l’inconditionnalité au Général De Gaulle…
Bernard Antony
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