Un ouvrage somme par l’un des meilleurs islamologues français

Nos lecteurs qui ont déjà lu les livres de présentation de l’islam et de ses textes sacrés par Bernard Antony pourront, s’ils veulent approfondir leur culture, découvrir ce livre magnifique du professeur Marie-Thérèse Urvoy, Islamologie et monde islamique. Ouvrage dense composé de chapitres thématiques bien distincts qui peuvent être lus séparément, ce livre permet à Marie-Thérèse Urvoy, qui enseigne l’islamologie, l’histoire médiévale arabe et la langue arabe classique à Toulouse et Bordeaux, de traiter en profondeur de sujets aussi divers que le statut de la femme en islam, le Coran et l’argent, la notion de communauté et le très ambigu dialogue islamo-chrétien contemporain, parmi plus d’une trentaine de chapitres.

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L’érudition de l’auteur, dans les différents domaines qu’elle aborde, est mise au service d’une explicitation de points capitaux pour bien comprendre la nature de l’islam, religon, civilisation, système indissociablement politique et spirituel. Le lecteur, au gré des pages, aura ainsi la possibilité d’explorer toutes les dimensions de ce phénomène majeur. Il apprendra (p. 93) quelle dramatique et chariatique régression aura été pour la femme la Révolution islamiste iranienne de 1979 : « Un mois après le début de la révolution, le nouveau code islamique baissait l’âge légal [Nda : du mariage] à neuf ans, instaurait le port du voile, faisait mettre les femmes mariées sous tutelle du mari […] rétablissait la polygamie dont la pratique était assimilée à un droit religieux ».  Plus loin (p.123), M-T Urvoy rappelle les discriminations que subissent les chrétiens, statutairement, en terre d’islam, avec le cas des mariages islamo-chrétiens et bien entendu celui de l’apostasie, passible de mort d’après la chariah : « Dans tous les cas, il y a mort civile, sauf si l’on se cache et demeure crypto-chrétien ».

Au chapitre 15, intitulé Fondamentalisme et terrorisme, l’auteur  démonte la fable bien-pensante d’une différence de nature entre un islam « modéré » et un islamisme « déviation de l’islam », au fondement du slogan « pas d’amalgames » rabachés ad nauseam après les différents attentats en Europe en 2015 et 2016 : « les jihâdistes d’hier et d’aujourd’hui s’inscrivent totalement dans le sillage du Prophète et de ses combattants, le premier étant présenté par Allah dans le Coran comme un  » beau modèle » à suivre ( XXXIII, 21). Les responsables et officiels musulmans refusent – ou ont peur – de reconnaître ces faits. » L’on mesure sans mal l’aveuglement occidental face au problème posé par le texte coranique quant à l’usage de la violence, et l’immense difficulté interne à l’oumma de faire émerger une démarche introspective sur l’ambivalence de leur livre sacré.

L’un des points les plus importants abordés par l’ouvrage est celui du « dialogue islamo-chrétien », objet de cinq chapitres denses (26-30) où la plume passionnée et passionnante de Marie-Thérèse Urvoy met en lumière une véritable déviation de certains courants de pensée au sein du catholicisme (et du christianisme en général), aboutissant à de véritables perversions théologiques sous couvert de paix et de rapprochement avec l’islam, « religion-sœur ». Ainsi du moderniste allemand Hans Küng. Ces déviations, dans le sens d’un syncrétisme islamo-chrétien conduisant à une sorte de « nouvelle religion islamo-chrétienne », et d’une négation de certains fondements de la foi chrétienne, sont entretenues par ceux qu’elle appelle « les gens du dialogue », dont on ne sait trop dans quelle mesure ils sont les dupes d’un dialogue de sourds ou des acteurs tout à fait conscients d’un phénomène pernicieux.

Sur ces sujets et beaucoup d’autres, le lecteur trouvera une véritable somme de connaissances, rendues accessibles par la pédagogie de l’auteur, indispensables pour la compréhension du phénomène islamique qui nous percute de plein fouet.

Pierre Henri