Je brûlerai ma gloire

Auteur : Jacques Boncompain

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Je brûlerai ma gloire

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Le hasard fait que je recevais ce livre, paru à la fin de l’année dernière, alors que je venais de relire Dans l’ombre du Maréchal du colonel Rémy, ce Compagnon de la Libération, un des résistants français les plus connus, ayant développé un des réseaux de renseignement les plus importants de la zone occupée : la « confrérie Notre-Dame ». J’ai eu le bonheur de rencontrer une fois, en 1970, le colonel Rémy dans sa maison en Bretagne, non loin de Saint-Quay-Portrieux.

Mais si j’évoque donc ici ce grand chrétien et patriote, écrivain, historien et cinéaste que je lus longtemps aussi dans l’hebdomadaire Carrefour, c’est que l’ouvrage de Jacques Boncompain, qui le cite à maintes reprises, constitue d’abord un remarquable travail de plus de sept cents pages de documentation avec des centaines de citations judicieuses sur un des chapitres les plus douloureux et controversés de notre histoire moderne : celui de la France occupée et du rôle du vieux Maréchal Pétain, « le vainqueur de Verdun », dans des circonstances épouvantables.

Une mission impossible

On le sait, je suis de ceux qui considèrent que les ordres donnés à notre armée en 1962 par le Général De Gaulle, chef de l’État, de non-assistance à nos compatriotes d’Algérie, chrétiens, juifs et musulmans, dont beaucoup subirent les pires atrocités, a très certainement été le plus grand crime contre l’humanité perpétré par un gouvernement français. Ce gouvernement n’avait pas en effet l’excuse de gouverner une France occupée par l’ennemi ; l’ennemi présent sur le sol algérien cette année-là, étant d’ailleurs militairement totalement vaincu alors qu’on lui remettait le pouvoir. Cela m’a marqué à tout jamais.

Mais pour ce qui est de la période de la guerre, je n’ai pas substantiellement modifié mon jugement après maintes lectures au fil des années. J’ai toujours fait mien celui du colonel Rémy pour lequel « le Maréchal était le bouclier, le général, l’épée », jugement que Robert Aron, le grand historien de cette époque, approuvait.

Jacques Boncompain a moins de sympathie pour le Général que pour le Maréchal. Ce dernier, en effet, comme cela est excellemment écrit en page quatre de couverture « eut une mission impossible, tant la France, en état de déliquescence avancée, se trouvait livrée aux mains d’un ennemi totalitaire, inhumain, pervers et sans scrupule, qui jouera en expert de ses contradictions. Rapidement, il devait devenir à la fois le symbole et le bouc-émissaire d’une époque maudite. Il fut rendu responsable des souffrances subies par les Français, sans même considérer celles, considérables, qu’il parvint à éviter ou réduire ».

Novembre 1942

J’ai lu avec une particulière attention les pages consacrées au mois de novembre 1942. Cette date a été fatidique pour la suite de l’histoire de notre pays. Jusqu’à aujourd’hui. Voici pourquoi : en réaction au débarquement allié en Afrique du Nord le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissaient la ligne de démarcation, déferlaient sur la zone libre et en occupaient les points stratégiques. En violation de l’armistice.

Humiliation pour le Maréchal désormais voué à ne conserver que des bribes de pouvoir d’un État privé de toute souveraineté. Tout était prêt pour qu’il s’envole vers l’Afrique du Nord et y restaure l’unité française… Mais le Maréchal ne voulut pas partir.

Boncompain reprend dans son livre l’anecdote rapportée par le colonel Rémy. À ce dernier, le Général De Gaulle confiera : « Je ne comprendrai jamais pourquoi le Maréchal n’est pas parti à Alger au mois de novembre 1942. Les Français d’Algérie l’eussent acclamé, les Américains l’eussent embrassé, les Anglais auraient suivi, et nous, mon pauvre Rémy, nous n’aurions pas pesé bien lourd dans les balances. Le Maréchal serait rentré à Paris sur son cheval blanc » (Dix ans avec De Gaulle, p. 349).

Et, effectivement, si tel avait été le cas, nous n’en serions pas toujours à l’ère d’une immense et persistante désinformation historique qui campe le parti communiste comme le grand acteur de la résistance. Au mépris du fait qu’il a été le parti le plus durablement et doublement collabo de notre histoire : approuvant en effet chaleureusement le Pacte germano-soviétique de non-agression du 19 août 1939 (Staline-Ribbentrop) ; appelant dans l’Humanité clandestine à l’amitié avec le soldat allemand, inconditionnel de Staline qui félicite Hitler pour la victoire contre la France ; ne rentrant dans la résistance antinazie qu’après l’invasion de l’URSS par le IIIe Reich, le 22 juin 1941 (opération « Barbarossa »). Soit deux années de double collaborationnisme !

Et n’oublions pas que, par la suite, le plus grand parti collabo avec l’occupant nazi fut le P.P.F. (Parti populaire Français) de Jacques Doriot qui avait été le numéro deux du parti communiste !

J’ai gardé en mémoire, comme si c’était hier, les propos émouvants de notre ami l’historien François-Georges Dreyfus, venu parler chez moi, au Cercle de Saint-Lieux. Il évoqua ce refus du Maréchal avec beaucoup d’émotion, disant très exactement cela : « Si le 11 ou le 12 novembre 1942, le Maréchal était parti pour Alger, c’eut été sans doute préférable pour l’avenir de notre pays après la guerre. Mais le peuple français eut alors payé cela très cher. Et moi, enfant juif réfugié et caché dans l’Hérault, avec la complicité d’un préfet “couvert” par le Maréchal, j’eusse alors été inéluctablement raflé et déporté vers un camp d’extermination. »

Mars 1944

Mais vint encore une autre et dernière occurrence lorsque, comme le rapporte Boncompain, le 21 mars 1944, un messager du président des États-Unis (Roosevelt), lui fait savoir « qu’il le considère comme le seul représentant légal de la France »« Il l’invite à se retirer entièrement des affaires, comme l’a fait le roi du Danemark, jusqu’à la fin de la guerre où les troupes américaines viendront le mettre sous leur protection ». Et là, on ne comprend vraiment plus que le Maréchal se soit entêté à demeurer dans une illusion de pouvoir et de collaboration officielle avec l’occupant. Boncompain rapporte qu’il n’a même pas eu la possibilité de sauver l’épouse du baron de Langlade, née Stern. Il écrit : « Envoyée à Auschwitz et gazée en dépit d’une intervention du Maréchal ».

À la fin de ce mois de mars 1944, on était à peine à un peu plus de deux mois du débarquement. Les troupes allemandes en savaient la préparation pour quelque endroit de la côte atlantique. Le Maréchal était bien évidemment informé de son imminence. Rien, alors, ne justifiait qu’il s’accroche à un pouvoir désormais totalement vide de réalité. Il ne pouvait alors concrètement plus rien pour les Français. Sa présence n’empêchait pas le massacre d’Oradour-sur-Glane. Mais son retrait motivé aurait été le plus grand service qu’il pouvait leur rendre et rendre à la France. Au risque pour lui, bien sûr, absolument certain, d’être arrêté sur ordre d’Hitler. Et dans ce cas, il n’aurait certainement pas brûlé sa gloire !

Mais n’était-ce pas le général Giraud qui avait raison en écrivant, comme on peut le lire dans l’ouvrage de Boncompain, que Philippe Pétain était devenu « un vieillard influençable, influencé et manœuvré » ? L’influence qu’il subit alors fut, hélas, assurément catastrophique. Rien ne pouvait être pire que ce qu’il en fut, en effet, avec son procès et avec, comme on le lit encore dans la « quatre » de couverture, « le manichéisme qui prévaut depuis la Libération dans le jugement de la période de l’occupation ». Même un François Mitterrand qui connaissait bien la période, et pour cause, rappelant au sieur Elkabbach que « l’Histoire ne s’écrit pas en noir et blanc », n’est pas parvenu à inverser cette interprétation manichéenne de la période. D’autant que, comme l’écrivait dans Valeurs Actuelles du 25 mars 1991, cité par Boncompain, l’incontournable historienne Annie Kriegel (juive, ancienne communiste, résistante), « il y a une jeune école historique qui veut mener une sorte de guerre privée et qualifiée d’héroïque contre le gouvernement de Vichy ». Chaque mot compte.

L’ouvrage de Jacques Boncompain est un beau travail au service d’une conception de l’histoire autre que manichéenne.

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