« Quoi de neuf ? Molière ! »
Jacques Lorcey, ancien pensionnaire de la Comédie Française, vient d’accomplir l’œuvre de sa vie avec son « dieu » Molière !
Au moment du tricentenaire de la mort de Louis XIV, les étudiants trouveront dans ces pages de quoi nourrir leur soif de connaissance, et ils ne seront pas déçus. Les passionnés des pièces de Molière trouveront en Jacques Lorcey un maître, sans être un professeur. Le mystère Molière, somme littéraire et historique en deux volumes importants, tente de faire œuvre quasi exhaustive sur l’homme, sa vie et ses pièces, avec une infinie délicatesse de pensée et de ton.
Ces ouvrages, truffés d’illustrations raffinées et charmantes, ainsi que de poèmes savoureux et librement choisis, nous entraînent dans des contrées où l’esprit le plus fin et la raison le disputaient au charme et à la séduction.
En effet, comment ne pas être séduit par l’exquise guirlande des approches passionnées, voire amoureuses, de Jacques Lorcey en vue de nous faire pénétrer au cœur battant du XVIIe, siècle classique par excellence, dans tous les aspects qui ont touché Molière de près ou de loin, avec un délicieux foisonnement d’anecdotes.
On plonge avec délice au plus secret de l’univers de Molière, de la tribu des Béjart, des comédiens de l’époque, et chaque recoin de leur vie est exploré avec la plus grande attention, afin d’essayer de comprendre les ressorts complexes qui ont animé et transcendé Jean-Baptiste Pocquelin. « Molière demeure, et demeurera, le mystère français », reconnaît Jacques Hiver.
Très au-delà des interrogations contemporaines ô combien superficielles sur sa vie intime, ces livres précieux offrent une vision globale, humaine autant que politique et historique, vision sans égale sur cette période. « Virtus consistit in medio », ce qui peut se comprendre comme « ce qui est convenable est beau, et ce qui est beau est convenable ». Cette assertion, généralement présentée comme la ligne de conduite de Molière, aux ordres du pouvoir, est explicitée par l’auteur : « Au siècle de Molière, cette position apparaît comme l’idéal d’une perfection extrêmement difficile à atteindre – et non pas comme un territoire de compromis où pourraient se réfugier les tièdes et les lâches. »
Cette fresque, dont chaque détail fascine par sa justesse, son charme, son éclairage, ne se laisse pas oublier facilement : il est difficile de s’arrêter en chemin, une fois immergé dans ce délicieux concert où aucune analyse n’est froide et déshumanisée.
Le souci du détail vient ennoblir ce remarquable travail : un demi-siècle d’études, trois ans et demi de rédaction quotidienne. Chaque pièce de théâtre est dévoilée, et non « décortiquée » sans âme, dans son contexte, et tous les repères historiques qui émaillent cette belle réalisation rendent gloire au génie de Molière, mystérieux par essence. Celui-ci sut en effet mettre en lumière, parfois crue, parfois douce et tendre, la permanence de la nature humaine cachée – ou illuminée – par la forme théâtrale, en des textes devenus intemporels. Théâtre d’ombres et de lumières de moments capturés sur le vif, intense condensé des relations ambiguës entre l’artiste et le roi. « Je sais qu’il y a des esprits dont la délicatesse ne peut souffrir aucune Comédie, qui disent que les plus honnêtes sont les plus dangereuses, que les passions que l’on y dépeint sont d’autant plus touchantes qu’elles sont pleines de vertu, et que les âmes sont attendries par ce sortes de représentations. Je ne vois pas quel grand crime c’est que de s’attendrir à la vue d’une passion honnête… », s’exclame Molière au moment de publier son Tartuffe.
C’est avec beaucoup de finesse que Jacques Lorcey traque dans les moindres détails les impostures, les imprécisions, les jugements erronés ou hâtifs sur l’homme et sur chacune de ses pièces, passées au crible de son œil aigu qui ne néglige rien. Impossible de faire le tour et de dévoiler tous les trésors de cet ouvrage !
Anne Cognac
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.