Eh bien, en refermant le travail de Thierry Bouclier sur l’extraordinaire personnage et homme de plume, à la fois courageux défenseur des derniers restes de l’empire français et désopilant écrivain et humoriste que fut A.D.G, je crois que ceux qui l’ont connu peuvent se dire que la biographie est pleinement réussie.
Pour ma part, c’est grâce à l’ami non moins inénarrable, le très talentueux Serge de Beketch que j’ai rencontré A.D.G. qui collaborait alors au Libre Journal de la France Courtoise qu’avait créé ce dernier.
Bouclier, qui n’a pas du tout fait un ouvrage hagiographique mais d’admiration sans complaisance, évoque pudiquement que l’amitié entre les deux hommes ne fut pas sans éclipses, sans quelques beaux orages et émouvantes réconciliations. Beketch, au demeurant un cœur d’or et généreux camarade, n’était pour autant pas un modèle de rigueur gestionnaire, ce qui, à intervalles réguliers, faisait rager notre bon A.D.G.
Je n’ai donc connu celui-ci que dans les dernières années de sa vie, bien après sa période d’auteur de désopilants romans policiers de la « Série noire » agrémentés de feux d’artifice de ses calembours mais à éviter de collecter pour des bibliothèques enfantines.
C’est que cet « anarcho-réac » d’A.D.G, royaliste légitimiste célinien, n’était pas toujours dans ses œuvres romanesques un transmetteur de la doctrine sociale et morale de l’Église…
Bouclier a le grand mérite de les avoir tous excellemment recensés, les meilleurs et même les quelques un peu moins bons, avec toujours de judicieux extraits et ses pertinents commentaires.
Il a naturellement consacré ce qu’il fallait à un autre versant de l’œuvre romanesque d’A.D.G, véritablement son grand œuvre : Le grand sud, « un western à la française » dans le monde des bagnards de cette Nouvelle-Calédonie qu’A.D.G a tant aimée et défendue.
« Fresque magnifique. Haletante. Enivrante. Tout y est. Les paysages. Le bagne. Les Kanaks. Les évasions. Les cannibales. La mer. Les gardes sadiques. Les marsouins. Les déportés de la Commune. Louise Michel et Rochefort… ».
Bien sûr et surtout, Bouclier évoque A.D.G, ce Tourangeau, admirable défenseur de la Nouvelle-Calédonie française, ayant choisi d’abandonner son métier, certes pas si tranquille de journaliste parisien, pour un plus haut degré d’aventure et de risque, huit années durant, aux antipodes.
A.D.G ne cherchait point la sécurité ou les sinécures. Il était demeuré marqué par ses reportages au Liban en 1978 et 1981 parmi les admirables combattants des Kataëb de Béchir Gemayel.
Se transplantant en Nouvelle-Calédonie en 1982, il va y créer en 1985 l’hebdomadaire Combat calédonien. Hélas dégoûté par le reniement d’un Jacques Lafleur signant le 26 juin 1988 les accords de Matignon sous l’égide de Michel Rocard, il quittera alors « le caillou » en 1990 pour revenir à Paris, non sans être avec Francis Bergeron de Présent qui décrira cela dans Reconquête (février 2005) dans l’aventure pour Anjouan, cette île des Comores qui voulait à toute force mais en vain devenir française.
A.D.G fit enfin le grand voyage, le dernier, le 1er novembre 2004. Parmi les hommages qui lui ont été consacrés et que rapporte Bouclier, nous choisissons ici cet extrait de Sébastien Lapaque dans le Figaro : « Le grand art d’A.D.G., c’est d’avoir su être grand sur le mode mineur… Pendant une quinzaine d’années, A.D.G. a tenu haut et fort la bannière du polar anar de droite, bourré jusqu’à la gueule de poésie et d’impertinence ». (3 nov 2004).
Belle définition du personnage qui en effet sut être grand sur le mode mineur. Permettez-moi en effet, cher Thierry Bouclier, d’ajouter simplement à votre belle évocation qu’A.D.G., qui ne se piquait point d’être vertueux en tous ordres, avait discrètement été fidèle à la vertu d’humilité.
Nul ne put jamais savoir ce que signifiaient au juste les trois initiales, A.D.G., constitutives de son pseudonyme, tant il nous en donna des contenus divers et variés. Mais la vérité, c’est qu’il l’avait pris par humilité pour ne pas signer de son nom d’Alain Fournier. Car c’est aussi le nom de l’auteur du Grand Meaulnes qu’il admirait respectueusement.
Bernard Antony
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