Journaliste et historien français, Jacques Bainville (1879-1936) étudie au lycée Henri IV, puis à la faculté de Droit de Paris. Après un passage à La Gazette de France, il devient en 1908 responsable de la rubrique politique étrangère du quotidien l’Action française, charge qu’il détiendra jusqu’à sa mort. En 1935, année de son élection à l’Académie française, il est déjà considéré comme un grand spécialiste des affaires allemandes et internationales. La justesse de ses analyses a érigé sa chronique et son œuvre au rang d’institutions, lues avec attention et considération jusque dans les milieux républicains. La Russie et la barrière de l’Est relate avec talent et précision la situation de différents pays d’Europe orientale et d’Asie dans la première moitié du xxe siècle. A propos de la question russe, thème central de cette étude, Bainville fait preuve d’une sévérité remarquable, illustrant au-delà du problème bolchevique l’abîme civilisationnel séparant cette nation si particulière de l’esprit occidental. « La Russie est à peine aujourd’hui à quatre cents ans de l’invasion des Barbares, tandis que l’Occident a subi la même crise depuis quatorze siècles : une civilisation de mille ans plus ancienne met une distance incommensurable entre les mœurs des nations. » Citant ainsi le marquis de Custine, l’historien se fonde sur ce postulat pour envisager les relations contemporaines entre notre pays et ce vaste empire eurasien rappelant à juste titre « qu’il y a des Français, et nous en sommes, qui n’ont pas attendu ces jours difficiles pour concevoir quelques doutes au sujet de la Russie. Nous n’avons eu besoin ni de la guerre, ni de la révolution pour exprimer nos inquiétudes et pour montrer la Russie aussi lointaine que fuyante. » « Le colosse est capricieux, écrivions-nous en 1912, et il a de vastes parties obscures. Ses associés gagneraient à le bien connaître. » Enrichi de différentes réflexions à propos des questions polonaises, roumaines, turques et asiatiques en général, cet ouvrage apporte un éclaircissement nécessaire à l’Histoire du monde slave et oriental, à nos relations complexes avec cet ensemble hétérogène et souvent méconnu. En ces temps troubles, ponctués par la résurrection de l’expansionnisme russe, Bainville s’impose à nous depuis le fond des âges, nous rappelant une fois encore à sa justesse analytique et à ses dons de visionnaire…

R.H.