Cet ouvrage est celui d’un homme alliant une très vaste culture d’historien et de juriste et une pratique de l’enseignement délibérément voulue pendant plusieurs années en zone d’éducation prioritaire.
Jean-François Chemain, diplômé de l’IEP de Paris, docteur en histoire du droit, agrégé et docteur en histoire, après une carrière de consultant et de cadre d’entreprise, décida en effet de se lancer à lui-même un défi, celui de répondre à une exhortation de Simone Weil, peu de temps avant la mort de cette philosophe et mystique à Londres en 1943 : « Il faut donner aux jeunes quelque chose à aimer et ce quelque chose, c’est la France. »
Chemain s’est pendant une dizaine d’années efforcé de répondre à cette vocation. Avec quelquefois le sentiment d’avoir pu y parvenir. Mais c’était finalement un travail impossible tant d’une part la masse des enfants de ces ZEP est de plus en plus issue de populations aux racines de civilisation et de cultures non chrétiennes ; d’autre part, surtout, notre système « d’Éducation nationale » est de moins en moins « national » puisque celui d’une « République » dont le mot est partout désormais expressément substitué à celui de France.
La France préexiste à la République
Sur ce phénomène majeur, que nous avons pour notre part maintes fois qualifié de génocidaire, Chemain s’interroge avec une remarquable rigueur logique. Son livre s’ordonne autour de deux questions :
- La France se réduit-elle à la République ?
- Qu’est-ce alors que la République ?
À la première, il répond par deux affirmations et une interrogation.
D’abord : « la France préexiste à la République ».
La France, c’est l’histoire d’un peuple. Une histoire dont la réalité est à l’inverse de la sornette dont on nous rebat sans cesse les oreilles selon laquelle elle aurait toujours été une terre d’immigration.
Puisant notamment dans l’œuvre essentielle de Jacques Dupâquier (Histoire de la population française), Chemain démonte cette assertion. Il rappelle que la France est fondamentalement le fruit de l’opiniâtre travail de rassemblement de peuples voisins mené huit siècles durant par la dynastie capétienne. Et pour ce qui est de sa civilisation, un des traits essentiels ne fut-il pas la réalisation de ce « blanc manteau d’églises et de cathédrales » déjà évoqué, en l’an Mil, par le moine Raoul Glaber (le Glabre) avant que ne viennent successivement les splendeurs des édifices romans et gothiques.
La civilisation de la France va devenir tout simplement dès Clovis de plus en plus modelée par le christianisme.
Un quart des noms de communes françaises ne portent-ils pas le nom d’un saint ?
Chemain évoque très bellement le patrimoine multiséculaire de notre nation et notamment le trésor que constitue la langue française, dont les déconstructionnistes n’ont aucune vergogne à vouloir la déstructuration et à terme la mort.
La France est laïque parce que catholique
La deuxième affirmation de l’auteur est que :
« La République est elle-même le fruit de la France ».
Et de développer la très juste idée que « la France est laïque parce que catholique », sans aucun paradoxe car la laïcité ne ressort pas d’autre chose que de l’annonce évangélique « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Chemain parsème très plaisamment son travail de pertinentes anecdotes historiques. Ainsi, son rappel très référencé de l’islamophilie d’Hitler regrettant la victoire de Charles Martel à Poitiers…
On lit avec un grand intérêt ses réflexions très étayées sur le fait que d’une part la République, fruit de la France, est la fille de l’absolutisme et que d’autre part, c’est le jansénisme qui a été « à la source de la désacralisation de l’autorité de l’État ». Les jansénistes, écrit-il, considéraient en effet que tout le monde était trop impur pour exercer son rôle de chrétien… et en premier le roi pour prétendre gouverner « de droit divin ».
La République par la contrainte
Vient ensuite la question : « La République aime-t-elle la France ? ». Bien sûr, il s’agit ici de considérer l’originalité de la République française qui a pris la place de la France et celle de l’Église. Il écrit : « Force est à l’enseignant en histoire d’admettre que ce fut toujours par la contrainte. Car la République s’est vraiment imposée à la France, la première fois en 1792, par la violence la plus extrême, la seconde en 1870 – celle de 1848 ayant été très éphémère – par la persécution d’une large partie des Français ».
Et de rappeler ici l’abomination raciste du génocide vendéen (Turreau : « Il faut anéantir cette race impure ! »).
Il évoque le massacre des Lucs-sur-Boulogne, de même ordre de grandeur que celui d’Oradour-sur-Glane.
(Sur ce point j’avais demandé dans une de mes interventions au Parlement Européen que les deux abominations, procédant de la continuité jacobine et nazie, soient commémorées un même jour).
La République est une idée
La deuxième partie du travail de Chemain : « Qu’est-ce alors que la République ? » est très pertinente et même impertinente.
L’auteur y développe que « la République est une idée »… qui « n’est pas forcément synonyme de démocratie ». « Elle n’a pas abandonné son projet de régénérer le peuple malgré lui ».
En fait, et on peut toujours le mesurer aujourd’hui, c’est une idéologie : « L’idéologie d’une utopie, d’une “religion” à vocation universelle en lieu et place du catholicisme ».
Ses pages fourmillent d’exemples sur le cléricalisme républicain. Sur celui-ci d‘ailleurs, il ne manque pas d’évoquer la triste vérité que « la Révolution fut très largement à l’initiative de prêtres, de « clercs ». On connaît les abbés Sieyès, Grégoire, l’évêque Talleyrand et bien d’autres.
Chemain évoque encore, entre autres, que l’homme qui présida ignoblement à la profanation des tombeaux de nos rois à Saint-Denis fut le ci-devant abbé bénédictin Dom Germain Poirier. Mais faut-il ici, au passage, rappeler que pendant que de pareils sataniques scélérats reniaient leur foi, des millions de fidèles et saints prêtres choisissaient héroïquement le martyre ?
Demain la guerre civile
Les idéologies sont des idoles dévoreuses. Aujourd’hui, c’est à la fois la substance de la France qui est dévorée par la culture de mort et son nom même désormais si peu souvent prononcé. La raison de cela tient en ce que l’essence de la France est chrétienne. Que son seul nom évoque cette réalité détestable autant pour les laïcistes que pour les islamistes. Jean-François Chemain, avant d’exposer la conclusion de ses réflexions, n’a pas voulu taire son angoisse. Il titre son dernier chapitre : « Demain la guerre civile ».
Il écrit : « La République, en légitimant par son discours et ses lois, malgré l’opposition de 70 % des Français d’après un récent sondage, la présence sur le sol national d’une proportion de plus en plus forte d’étrangers, ou de citoyens d’origine étrangère, dont la religion est étrangère à la tradition nationale, majoritaires en bien des territoires, a objectivement créé les conditions d’une guerre civile ».
Sa conclusion, ce sont ses propositions de réforme de la République.
Il la souhaiterait tout simplement « plus démocratique » à rebours de sa constante pratique de piétiner, de mépriser les exigences des Français.
Il la souhaiterait « plus authentiquement laïque et moins laïciste ». Il exprime la nécessité de « sortir de ce cléricalisme républicain qui enferme toute pensée dans le carcan de ses dogmes ».
On l’aura compris, Jean-François Chemain n’y va pas par… quatre chemins pour renverser non sans ironie les discours dogmatiques du système idéologico-politique qui n’a d’autre but que la mort de la France.
Bernard Antony
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